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Le Roman Policier Présente-T-Il Un Intérêt Criminologue?

Un roman n' est rien d' autre qu' une passion dans un ebmallage de mythe...
Th. Diamantopoulou, Le premier d' avril d' Icare

 

A.- Avant – Propos

1.- Le roman policier provint du roman juridique, se contracta en une histoire de détective et, finalement, se développa en une romance criminelle.

Cette littérature du crime se caractérise par l' intrigue dramatique et le mystère, par le mythe et l' anxiété (suspense), par l' aventure et action (roman de cape et d' épée).

2.- Aujourd' hui, la littérature policière-criminelle n' est plus une espèce ré-connue, une paralittérature, une lecture de fuite et de consommation po-pulaire, une histoire médiocre d' une romance sentimentale ou une «dro-gue»; ceci non seulement, parce que la littérature susmentionnée s' est re-nouvelée et qu' elle aborde des problèmes contemporains (comme ceux du chaos et de l' incertitude) –en les revêtant de la forme de l' aventure policière– mais surtout, parce qu' elle constitue l' une des manières la plus convenable et peut-être la plus attrayante pour commenter la réalité sociale, les règles de la morale ou même la vie publique.

Le roman policier-criminel aborde de par son côté obscur la société. Littérature de l' espace urbain en tant que lieu ténébreux et du mode de vie bourgeois, corrompu et illégal de la grande ville avec la déliquance croissante et la pathogénie, cette espèce descend dans la rue pour recon-trer les marginaux, les racistes ou les poètes maudits.

3.- Pour beaucoup de personnes, le roman policier-criminel n' a plus de rap-port avec l' aventure policière, mais avec le roman social. Ainsi, à côté du roman policier orthodoxe de pensée complexe et d' énigmes (Edgar Wallas, Agatha Christie, Arthur Konan Dowl, Georges Simenon, et autres), il se peut qu' à une période aient prospéré les romans policiers d' action en tant que lectures populaires (quoique lus en particulier par l' intelli-gentsia); pourtant, par la suite, on a vu la consécration d' une espèce officielle de littérature d' écrivans sociaux dotés d' une rare précision déductive et d' une écriture anticonformiste.

4.- Dans cet article, je ne vais pas m' occuper de la littérature criminelle en tant que genre littéraire. Il existe des revues spécialisées et des numéros consacrés aux écrivans et héros de la «romance criminelle».

Maigret, Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Arsin Loupain (aux cent visages et aux mille pseudonymes), Philippe Marlow «défilent» quotidiennement devant les kiosques et même devant les librairies ambulants. Les assassins étranges de Edgar Allan Poe, les histoires de Raymond Chandler, de H. Hammet, de Agatha Christie, de P.D. James, de Konan Dowl et d' autres, éduquèrent une continuité de générations.

5.- Par contre, les crimes d' aujourd' hui sont tellement violents, qu' ils ne peuvent pas constituer le fondament/la matière première pour un roman policier-criminel. Même l' humour noir ayant besoin d' une atmosphère de profondeur pour se faire valoir ne convient pas à des serial killers ou à des psychopathes.

La mythologie des romans policiers-criminels a été dépassé par les «hé-ros» digitaux contemporains ou les cannibales.

6.- Il paraît qu' une époque de crime et d' illégalité ait terminé en entrainant aussi le roman policier-criminel classique à sa fin et, qu' une nouvelle épo-que, plus mauvaise, commence pour certains. L' idéalisation des crimes réels crée une mentalité malsaine et voyeuse, l' observation de la loi dans un monde désorganisé perd son sens, les monstres charment, tous s' habituent à la terreur «d' être nés pour être sauvages».

C' est maintenant que Raymond Chandler est justifié. «Le monde est –en effet– un endroit où c' est difficile de vivre». Ce n' est pas que les pierres qui sont innocentes.

 

B.- Roman policier et mystérieux

1.- Les romans qui parlent des «vilains et des scélérats», de misère, corrup-tion et crime (qui caractérisent la vie en ville), se classent dans la romance d' Apocryphes, puisque le terme «apocryphes» est identique à celui de «mystères».

Les Mystères (de Paris, de Londres, etc.) d' un caractère populaire, d' un contenu criminologique, d' une atmosphère de suspense, dénoncent en mê-me temps la pathogénie des systèmes politiques, sociaux, institutionnels.

Des modèles négatifs de brigands scélérats, de vagabonds, d' égorgeurs, de bandes et d' éléments de la pègre «se projettaient».

La déviation sociale, la cosmothéorie socialiste et le système correctionnel constituaient des thèmes favoris.

2.- Ce monde caché et faible, l' inverse du monde réel, avait besoin de «clés» spécifiques pour qu' on puisse le déchiffrer, et il en a encore; dans cette optique, les Mystères n' étaient pas très loin de l' «atmosphère particulière» et de l' intrigue éthopsychologique du roman policier-criminel.

 

C.- Roman policier et de brigand

1.- Le roman de brigand, en tant que paralittérature ou littérature populaire, n' est pas une littérature naïve. En tant que roman populaire, mais aussi roman populaire bourgeois, cette sorte de roman s' intègre dans une autre littérature qui constitue –pour plusieurs– un barométre de sensibilité soci-ale.

Dans l' espace grec, le roman de brigand est enregistré comme le premier genre de roman populaire (1900-1930), alors que le roman policier d' aventure lui succède (1930 et ensuite). On peut dire que le rôle social du héros (du brigand social) consiste à ce que celui-ci impose son propre ordre tendant à la légitimité, tant sur le niveau imaginaire que réel.

2.- La post-évolution du héros brigand et son remplacement par le malfaiteur illégal que l' on voit dans le roman policier coïncide avec la dictature de Metaxa, époque pendant laquelle chaque «insurrection» (même avec une «licence littéraire») était interdite.

On pourrait par conséquent prétendre que, dans l' intrigue policière-criminelle, se cache souvent une forme de résistance contre le régime politique ou social et contre le système.

3.- Disposant d' une thématique sociale ou anti-sociale qui intéresse le peuple et non la classe supérieure, le roman policier-criminel peut s' intégrer dans l' espace de la criminologie des lectures populaires, pas avec le signe négatif de paralittérature des magazines populaires ou des constructions et parodies conventionelles, mais en représentant une description réaliste et sociale, marquée d' un esprit critique à l' égard de l' ordre et du pouvoir.

 

D.- Roman policier et socio-psychologique

1.- Dans cette littérature de mystère, la localisation de l' assassin n' est pas ce qu' on demande finalement, étant donné que c' est la philosophie, la poli-tique, la psychologie, l' histoire et la sociologie qui occupent d' habitude une plus grande place. Le déchiffrement de l' énigme pourrait constituer un triomphe du génie humain; pourtant, l' essentiel du crime commis ne se cache pas dans sa perpétration, mais dans son interprétation. L'intrigue tout simplement nous amène –en tant que véhicule– dans les profondeurs de l' âme des protagonistes.

De l' autre côté, le lieu et le temps d' action et de narration sont colorés par des éléments nationaux, culturels et sociaux intenses qui influencent le comportement des héros.

2.- La question cruciale qui se pose est de savoir si la littérature policière-criminelle est capable à saisir efficacement l' abîme humain ténébreux ou, si tout simplement, comme on est fascinés par la procédure de solution de l' énigme, elle ne fait que nous amuser, elle ne permet pas qu' on s' ennuie.

Le crime comme un mystère de la nature humaine, l' analyse du compor-tement criminel accompagnée de l' anatomie de l' âme humaine, la combi-naison de réalisme psychologique et de psychographie narrative rendent le roman policier-criminel sérieux et ils lui donnent en même temps des qualités d' un documentaire.

Bien qu' on ne puisse pas s' habituer à l' horrible en littérature, le meurtre qui brise les convention, la manie meurtrière comme une situation naturelle, les culpabilités et les cauchemars, donnent à l' écrivain les cou-leurs pour qu' il relève le psychisme de ses héros et pour qu' il éclaire ainsi les côtés obscurs.

Le roman policier-criminel est un genre narratif ayant comme élément dominant –mais non unique– la question «qui est le coupable, qui l' a fait?», puisque derrière l' intrigue et le mystère se trouvent des questions décisives concernant la civilisation, la société, la justice, mais aussi des caractères humains qui agissent conformément à un code particulier de vie ou de mort.

 

E.- Le rôle et le profil du détective

1.- L' histoire policière dure est d' ordinaire réaliste et donne la priorité à l' élucidation du crime.

Le détective est «a walking calendar of crime», un rationaliste exigeant au pouvoir analytique et aux réflexions conclusives, un ordinateur vivant. Les chambres fermées, les disparitions, la désignation du cercle des suspects, les nombreuses versions «possibles», tout aboutit au triomphe de la logi-que.

Dans le monde dangereux et compliqué des affaires louches et des secrets coupables, même quand les éléments ne sont pas toujours faits pour être compris, le détective arrive et, comme un bon archéologue, observe, cher-che, recueille et recompose. Simple et solitaire, pauvre mais honnête, in-corruptible, mais non quelqu' un qui échoue dans la vie, placé face à face avec la violence réelle et la violence littéraire, en tenant toujours son style et sa discrétion, le policier-criminologue génial, privé ou amateur, est appe-lé d' une part à remplacer le policier traditionnel insuffisant et, d' autre part –en donnant une solution à l' énigme– à «tuer» celui à qui il doit bien son titre. Entre le crime et le châtiment, l' investigateur/chercheur s' intro-duit et il parvient, d' une manière intellectuelle mais aussi pratique, à met-tre les choses et les personnes à leur vraie place.

Certes, dans les romans classiques le détective non seulement ne cherche à trouver la solution à l' énigme, mais il est sujet lui-même à la recherche, puisqu' il traîne lui aussi son propre mystère en vue d' être réglé.

Il importe pourtant de préciser que le détective se révèle toujours comme le trait d' union entre le récit et le lecteur; bien des fois, le détective s' identifie avec le lecteur (même quand le narrateur est l' assassin).

2.- À la post-évolution de cette sorte de littérature policière, on recontre le ro-man noir dans lequel la curiosité et l' inquiétude (même pour la vie du dé-tective) remplacent le mystère et nous introduisent dans le thriller et le roman avec suspense.

Le roman noir se caractérise par les aventures des héros, les affaires d' espionnage ou même les récits de voyages dangereux; il offre un alibi de fuite de la réalité prévisible tout en nous permettant de vivre des «situa-tions limite» de culpabilité et de détresse.

Du détective rationaliste au policier d' état ou l' agent (qui, à part son es-prit, emploie aussi son corps), du roman noir nouveau-polar en tant que roman social à l' usage des armes contemporaines de technologie avan-cée, on constate une post-évolution technique sans pourtant une diminu-tion de l' habitude et de l' attrait causés par le crime et l' atmosphère brumeuse qui l' entoure.

C' est la gestion de la peur qui diffère, la manière avec laquelle on la traite, et non pas les dilemmes des protagonistes.

Bien que les héros primitifs (Sherlock Holmes, Poirot, Ms Marple, Philippe Marlow, et autres) ne meurent pas facilement, les récits et les intérêts changent. Quoique tout récit ayant une structure policière et un titre ne soit pas policier, la mythologie traditionnelle du roman policier est dépassée par les héros contemporains du roman de gangsters, où le premier rôle est joué par le criminel et non par le détective.

S' agit-il de la violence sans espoir et sans issue de héros immobilisés socialement, qui n' espérent qu' à travers le crime prendre quelque chose de rien ? S' agit-il de l' individualité du déliquant contre la collectivité des valeurs sociales et de l' individualité du détective en faveur de la vérité, dans des scénarios où les héros, les malfaiteurs et les punisseurs agissent à tour de rôle ?

Tout ceci constituait le noyau dur, autour duquel se mouvaient les bons et les méchants, jusqu' à la chute finale?

 

F.- Au sujet du «bien» et du «mal»

1.- Distinguer le bien du mal acquiert un intérêt fabuliste, tout en gardant son rapport avec la société. L' action de faire des contes a un contenu anthro-pologique profond, concernant, par exemple, la soumission de l' homme aux puissances du mal hors la logique, mais la violence, la corruption, les scandales, les services secrets, les règlements de comptes se développent et évoluent dans un cadre socio-politique précis.

2.- Des prostituées, des enfants abandonnés, des corrompus et des entrecroi-sés, des systèmes de valeurs en faillite, l' impuissance de survie d' indivi-dus ou de groupes, la société et l' autorité corrodées par le crime organi-sé, se paraît qu' un monde entier est né, marqué pour le mal.

3.- Il est impossible que dans le roman policier-criminel le «bien» et le «mal» passent souvent à travers l' humour noir; cependant, ni le «méchant» n' est pas toujour antipathique, ni le «mal» ne peut être combattu sans l' utilisation d' une violence démesurée par les bons.

Étant donné que, souvent, les «bons» sont «très bons» et les «méchants» sont «extrémement méchants», on pourrait dire que, finalement, les limi-tes du roman policier-criminel s' identifient soit avec les limites de toléran-ce du lecteur à la violence, à l' injustice, à l' administration de la justice, soit avec les marges d' esquisse de l' antihéros.

4.- Sans artifices littéraires et sans un air d' importance, l' auteur du roman policier-criminel tente de repérer les raisons pour lesquelles quelqu' un ne devient pas simplement un homme méchant, mais «le méchant». À travers un prisme non seulement rationaliste et une méthodologie scientifique, il recherche et découvre des caractères, mais aussi il amène la punition et l' exclusion à la légitimation, puisque le crime n' a pas de bénéfices prati-ques finalement. La vérité cynique des policiers, pour lesquels tout est une jungle, n' était pas suffisante. On avait besoin de l' étrangeté philosophi-que et sociale du détective, de sa perspicacité et de sa sensibilité, de sa perception personnelle du vrai et du faux.

Ainsi, par exemple, Arsin Loupain exprime en même temps le «bien» et le «mal», l' éternel modèle à double substance du bourgeois, tandis que le Dr. Jekyl-Mr. Hide met en valeur les deux aspects du tragique de la nature humaine. Par contre, les héros de Ian Fleming, à savoir ceux du roman d' espionnage, n' agissent pas dans l' antithèse «bien-mal», mais dans la dualité «liberté-obscurité».

De la présence jumelle «superego détective-mosntre criminel», on passa à la mondialisation du crime et de son persécuteur (James Bond), aux thrillers nucléaires ou aux computerized surhommes digitaux, policiers-robots ou cyborgs.

C' est peut-être la fin ou la nouvelle provocation du roman policier classi-que.

 

G.- Approche criminologique

1.- J' ai déjà repéré dans une de mes études précédentes le rapport entre Littérature-Science Pénale (et, plus particulièrement de la Criminologie). Non pas tant du côté de la narration romanesque, de la restitution ou re-production des événements ayant un intérêt pénal-criminologue, ou du côté de l' esquisse, du dénigrement, de l' héroïsation des auteurs et des victimes des actions criminelles, que du côté de l' intégration de ces deux branches diamétralement opposés dans une «théorie des cycles».

Le «crime» en littérature, représente d' ordinaire diverses nuances de la conscience sociale de l' époque, qui attirent leur origine des restes de Ma-gie ou de Mythes.

2.- Notre vie a acquis des caractéristiques de roman criminel d' un contenu baigné de larmes. Le crime et les criminels touchaient toujours l' intelli-gentsia. Aujourd' hui, tous s' en occupent. Non pas pour résoudre ou interpréter des situations, mais pour «jouir» du show. Foucault l' avait soupçonné, mais il l' attribuait à la politique d' état. À travers des procé-dures symboliques, notre société oublie ses différences. Et le plus princi-pal: elle ne cherche pas continuellement pour le New Deal.

Comme une sorte de bio-socio-rétroaction –à travers le contrôle et l' intervention des fonctions morales– le crime crée pureté/légalité et, à son tour cette pureté/légalité un nouveau crime. Cette dialectique n' appar-tient pas à Marx. C' est plutôt à Nietzsche qu' elle doit son origine.

3.- Le criminologue est appelé à jouer aujourd' hui le rôle du vieux savant (ou magicien) des Mythes, à dépister et à maîtriser les chemins secrets vers le crime, en tuant peut-être le «dragon-terreur». Les criminologues pen-saient et pensent encore que le renforcement du côté scientifique de la Criminologie est nécessaire pour que le phénomène criminel puisse être résolu.

Mais comment est-il possible de définir du point de vue scientifique les valeurs sociales qui, en dernière analyse, déterminent la marque criminelle ou les politiques sociales qui doivent faire face aux déviations?

4.- Le criminologue n' est pas seulement auditeur ou narrateur de l' intrigue criminelle, il ne soutient ni justifie le délinquant, il n' assume pas de fonctions d' inquisiteur, il ne s' extasie pas devant la «saturation crimi-nologique des nombres», il ne manipule pas les événements de sorte qu' ils trouvent place dans sa version, il ne participe pas non plus aux lois et aux procédures du marché.

Le criminologue doit disposer de «l' instinct du soupçon». Philosophe et en même temps détective, il doit repérer des problèmes que les autres dé-passent sans qu' ils leur prêtent attention, supposer et pressentir en négli-geant bien des fois les données empiriques, il doit enfin prévoir, prédire, prévenir. Il n' a pas tant besoin de yeux ni d' oreilles que de la sensibilité qui est apte à corriger même les erreurs commises par la logique.

5.- Dans le laboratoire de la philosophie des criminologues, collaborent jour et nuit la dialectique, la capacité d' observation, l' intuition et l' expérience. La philosophie/sagesse criminologiste en tant que savoir et inventivité met de côté l' ancienne méthode des interprétations univoques et des solu-tions-recettes simplifiées. Tout comme la Philosophie, de même l' étude scientifique du phénomène criminel se développa comme une science sérieuse, sévère et rationnelle, mais aussi illogique, poétique et mystique.

6.- Si les mythes et les légendes concernant le criminel transforment chaque crimilonogue en «un archéologue de vies oubliés», il en est de même avec le roman policier-criminel. L' art de l' obscurité sans fermer les yeux sur la mémoire historique criminologique ne construit pas son propre monde, mais il reflète une atmosphère romantiquement ténébreuse sans qu' il s' éloigne de la réalité socio-politique.

N' oublions pas qu' aujourd' hui les choses ont changé. Le mystère du cri-me s' est rencontré avec la science contemporaine. Le psychologue rem-place le policier et la littérature des héros populaires donne sa place à des monstres paranoïaques, chez lesquels le primitivisme coexiste avec la civilization. De quelque part Lombroso rit dans sa barde.

Même l' anthropologie de Milwouoki Jeffry Damer ou le cannibale de Mo-scou Nicolaï Droumagalief ou les serial killers paraissent déjà comme des hommes «normaux» ou «gentlemen» ou simplement «psychologiquement désaxés» respectivement.

7.- À la question «qui l' a fait ?», le lecteur continue à signaler son auto-acquittement en disant qu' il n' en est pas lui le responsable et, de cette façon, survient un équilibre intérieur.

Cependant, les histoires de détective contemporaines et les histoires de crime n' aboutissent plus à la condamnation définitive du «mal», étant donné que la justice n' est pas entièrement rendue (ce qui d' ailleurs se passe dans la vie aussi).

La «catharsis» mentionnée ne survient pas et le cercle vicieux crime-châtiment ne ferme jamais (ni dans les séries policières, ni dans les feuilletons télévisés).

 

H.- M o r a l e

«Comment peut on faire ! Toute chose en ce monde a deux poignées. Le meurtre, par example, on peut le prendre par la poignée de la morale (comme d' habitude il se fait de la chaire ou dans les prisons de la Cour d' Assises de Londres) et c' est là, je l' avoue, son côté la plus faible. Mais on peut aussi le traiter esthétiquement, comme disent les Allemands, c' est-à-dire par rapport au bon goût»

Th. de Quincey, «L' assassinat comme l' un
des beaux arts», pp. 14-15

 

1.- Le roman policier a été poursuivi aussi intensément qu' il a été aimé, parce qu' il initiait le paisible citoyen dans l' espace du crime.

Le roman juridique, en élargissant ou urbanisant le roman policier «de mauvaise réputation», étend son action dans les lieux d' administration de la justice pénale et donne l' occasion à des pénalistes célèbres d' enregi-strer leurs plaidoiries fameuses.

Le reportage judiciaire des journaux devient de plus en plus riche, puisqu' il couvre «un des intérêts les plus essentiées des lecteus: le crime», en ac-cordant en même temps aux divers groupes sociaux ce que ceux-ci consi-dèrent «vrai». La violence et le crime sexuel fascinent, les rapts d' enfants sont répugnants, tandis que les descriptions déliquants varient allant de «martyre» jusqu' à «un monstre à figure humaine».

Le roman d' espionnage nous introduit dans les intrigues politiques inter-nationales et dans les profondeurs des services secrets. Toutes ces formes de roman ont un fort intérêt criminologique.

2.- Les auteurs de romans policiers-criminels ne sont pas des «sanguinaires», qui veulent tout simplement nous mettre sur le dos un cadavre. Nom-breux sont ceux qui, avant de nous donner un poing à l' estomac, en ont déjà accepté plusieurs.

Certains ont fait des études en Criminologie et, à ce titre ils savent bien que l' art du crime n' est pas une simple affaire.

Bien que «ce qui soit permis dans l' art, le soit aussi dans la vie» et quoique «tuer en une page ne soit pas la même chose que tuer dans la vraie vie», la machine du texte et la machine du crime ne se rencontrent pas seulement à l' erreur qui empêche un crime d' atteindre à la perfe-ction.

Les meurtres qu' on a dans son esprit (mais qu' on ne commet jamais) donnent à «la littérature du meurtrier» un intérêt intellectuel, une base idéologique, un cadre de référence social. Bien qu' on soutienne l' idée que dans un bon scénario la partie la plus essentielle est omise ou même que le mystère idéal serait quelque chose qu' on lirait s' il manquait la fin, la vérité réelle dans les romans policiers-criminels est capable de se ca-cher derrière des éléments difficiles à distinguer (où l' observateur-écrivain se transforme souvent en une partie de son observation, puisque dans ce parcours ses propres préjugés sont aussi mis à l' epreuve).

La même chose se passe avec l' interprétation du criminel passage à l' acte, dans lequel la décision- limite se compose de petits détails.

Comme l' art du roman policier-criminel est «vagabondage» et pas une affaire de salons, les auteurs en mourant entraînent avec eux leurs théories et leurs héros.

Ne pouvant pas changer les sociétés, ils se contentent de décrire la nature des choses sans peur et passion. Même quand ils donnent la solution à l' énigme, ils ne dépassent pas la vérité du crime et du criminel. Même quand ils moralisent (sans méconnaître l' ardeur de l' homme de la rue pour se faire justice à soi-même), pour l' essentiel ils s' occupent de l' asthétique du crime et du profil psychologique de leurs protagonistes.

3.- Le roman policier est déjà passé à l' Internet, au monde super du spectacle et de la société.

L' aphorisme «tu es un homme de talent, c' est dommage que tu sois fini par être auteur de romans policiers» n' est plus en vigeur. Les plus anciens et les plus nouveaux auteurs du genre «sauvent l' ordre dans une époque de désordre».

4.- En paraphrasant et en complétant les paroles de Nil Postman «Lis, compte, conclus pour que tu croies», les auteurs du roman policier-cirimi-nel doivent à présent agir au tranchant de l' impossible (qui rend confus même de techno-scientisme effréné de notre époque), enrichir la mytholo-gie du futur qui n' est pourtant pas imaginaire, se préoccuper à l' égard de qui (et pourquoi) tua Roger Ackroyd sous l' optique du dépistage simulta-né du crime avec la reconnaissance essentielle des parcours psychiques du criminel, de la victime et du détective (en redonnant, c' est-à-dire, le crime aux hommes et en le prenant des computers); ils doivent enfin racontrer des histoires en ayant comme point de départ non l' inversion de la narration (du crime à ses causes) ou la recherche du chef-d' oeuvre meurtrier, mais les réponses parallèles et simultanées aux sept questions cruciales: Qui ? Quoi ? Où ? Par quels moyens ? Pourquoi ? Comment ? Quand ?

5.- Il se peut que bien des personnes soutiennent qu' avec le roman policier «la psychologie prend souvent la place de la criminologie», mais, person-nellement, je pense que dans ce roman se lient de la manière la plus complète, la pensée scientifique, les processus psychosociaux et les théories relatives à la criminologie.

Et dans cette optique, l' auteur des romans policiers-criminels doit, en suivant l' exemple du criminologue, étudier, sans préjugés, les mystères de l' Univers et de la vie avec les mystères de l' âme de l' homme-criminel (et non criminel), ainsi que ceux du Pouvoir.

C' est peut-être seulement ainsi que le roman policier-criminel pourra justifier sa renommée et sa tradition, sans qu' il perdre sa préoccupation criminologique plus générale.

 

Bibliographie

•  Ch. Dermentzopoulos , Le roman brigand en Grèce, Plethron, Athènes 1997

•  Uri Eisenzweig , Anatomie du roman policier, ed. Agia, Athènes 1986

•  I. Kondylakis , Les misèrables d' Athènes, Nefeli 1999

•  P. Martinidis , Plaidoyer de la paralittérature, Polytypon, Salonique 1982

•  Th. de Quincey , Le meurtre en tant qu' un de beaux arts, Roes, Athènes 2001

•  Y. Panoussis , Le message en Criminologie, A. Sakkoulas, Athènes 1995.

 

Yannis Panoussis
Professeur de Criminologie
Faculté des Medias
Université d' Athénes