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Pouvoir, autorités policières et libertés des citoyens.

1. La liaison directe de la Police avec le Droit d'une part, et avec l'Autorité d'autre part, la rend une institution décisive de l'État de Droit et de la Démocratie. La possibilité d'usage et d'abus de la violence légitime qu'on lui accorde, la répression à travers la violence publique et celle de l'État s'opposent aux libertés individuelles des citoyens et elles peuvent finir par la création de l'État policier. Celui-ci a déjà existé historiquement et fonctionné dans l'espace grec. La répression des mouvements sociaux ou l'utilisation de la notion de «la sécurité» pour la persécution des «idées antinationales et subversives» étaient présentes pendant les périodes historiques calmes et anormales à la fois. Il est possible que la Police, en tant qu'une fonction politique qui éloigne les dangers de perturbation de l'ordre public, se range parmi les organes du contrôle officiel du crime. Pourtant, son implication dans la vie politique d'un pays et son instrumentalisation politique par les mécanismes de parti constituent un phénomène diachronique grec (et pas seulement) [1].

La police politique, en tant qu'une aberration de la Police au nom de la protection de la sécurité d'état et du régime, surveille les dissidents de tout genre et les «politiquement suspects», sépare l'état de la société à travers la peur et elle entre furtivement dans le lieu historique en culpabilisant les ennemis politiques du régime. La conscience collective créée par l'action de la Police concernant la dangerosité des ennemis intérieurs ou extérieurs vise à la protection de l'État, alors que la politisation de l'insécurité et l'intervention non-légalisée de la Police au nom de la sécurité publique dominante (comme une soumission à l'ordre établi) rend les rapports tendus de l'État, de la société et du citoyen encore plus aigus [2]. L'exercice efficace du contrôle social présuppose un minimum de démocratie politique et de légalisation et un maximum de consensus social. L'État officiel définit le crime, la société accepte les conditions de politique (anti)criminelle et les organes de l'ordre, contrôlés par la souveraineté populaire, appliquent les lois. Dans ce système, « le critère politique », à savoir l'opposition du coupable à l'ordre dominant des choses, ne peut pas s'insinuer, parce que, dans ce cas, il ne s'agit pas d'un mécanisme d'administration de la justice pénale, mais d'un mécanisme d'extermination des adversaires politiques. La question de l'existence de l'élément de classe dans la législation est différente de l'application de classe concernant les lois et de la chasse illégale de « magiciennes de classe» [3].

« La Loi et l'Ordre » expriment une politique conservatrice de gestion de la criminalité et de la justice, à travers laquelle la société se soumet à la discipline et la culture idéologique du contrôle se légalise.

La Police centralisatrice,bureaucratique,professionnalisée,autoritaire et politisée est appelée exactement à jouer ce rôle que l'État et la classe sociale qui domine chaque fois lui confient. Alors que «l'ordre» renvoie à l'observation des règles et «le désordre» à l'anarchie, la Police Grecque a fonctionné d'une manière irrégulière.

Elle créa elle-même des désordres et des situations anormales au nom du maintien de l'ordre public, en promouvant les privilèges spéciaux de la classe dominante en «l'intérêt général».

La gestion de la puissance répressive de l'État demeure donc historiquement une question politique. Le droit pénal,l'armée et la police étaient toujours appelés à soutenir l'autorité d'état. À travers le contrôle social et la peur se réalise la soumission à la discipline ou le consensus artificiel et, de cette manière la classe dominante assure la satisfaction normale de ses intérêts [4]. Des forces spéciales et des autorités, des organisations paramilitaires, des mécanismes de sécurité sont appelés à maintenir le status quo politico-social, d'ordinaire pendant des périodes de démocratie limitée. Étant donné que la nature de la police dépend entièrement de la nature de l'État et de l'autorité politique, on devait s'attendre à ce que l'État despotique génère les «polices paramilitaires» et qu'il appuie sur elles sa sécurité. Pourtant, la protection de la sécurité publique et d'État, à savoir celle de la forme précise d'un régime, ne peut être en contraste avec le droit de chaque homme/citoyen à la sécurité, ni légaliser le traitement inhumain ou les tortures [5].

Ni l'idéalisme cynique, ni la discipline militaire, ni le climat politique ne suffisent pour justifier l'aveugle obéissance à des ordres illégaux et à des activités anticonstitutionnelles. Même lors des cas de « circonstances exceptionnelles » où le régime est en danger, « le loyalisme spécial » des organes policiers n'est pas indépendant des impératifs de la Constitution (article 48 §1, article 120 § 4). L'extension de l'état d'urgence ou des conditions exceptionnelles conduit de plus en plus fréquemment à des clauses restrictives de la liberté (sécurité,ordre public) qui mettent les droits fondamentaux en grave danger.

La question cruciale qui se pose par conséquent consiste à savoir si les situations irrégulières et tendues légitiment des écartements licites de l'ordre légal,c'est-à-dire si la fonction garante de droit peut se dédire ou si l' on peut avoir la réfutation de la conception personnelle de tout homme concernant sa valeur. Le principe de la Raison d'État qui caractérise l'État policier est en opposition frappante avec le principe de la légalité qui régit l'État de droit. Dans un état démocratique,la Police protège les droits des citoyens, alors que dans un état autoritaire,elle les opprime. L'Etat de Droit n'est pas l'état de n'importe quel Droit [6].

La relation triangulaire « État-Police-Citoyen », au triple sens, se lie avec l' obligation des policiers visant à « protéger le régime démocratique dans le cadre de l'ordre constitutionnel ». La subordination de l'ordre public à l'intérêt public ne s'identifie pas toujours avec l'intérêt de l'Etat, bien que l'ordre public intérieur est impliqué dans la notion générale du régime d'état et apparaît comme de la sécurité. L'autorité policière réalise l'ordre public, mais cela se fait toujours dans le cadre constitutionnel [7].

 

2. La question cruciale consiste à savoir si la Police peut se charger, au-delà du contrôle social, de la consolidation de la légalité démocratique et, peut-être aussi, de l'assurance de la cohésion sociale [8]. La police, en tant qu' une fonction sociale et une fonction institutionnelle également, doit viser à la protection et au règlement de l' ordre social,c'est à dire de l' espace de l' exercice de droits [9].

Cependant, la création et le maintien du sentiment de sécurité ne sont pas toujours compatibles avec la protection des droits individuels des citoyens. Il faudra rappeler que la liberté, sans l'exercice modéré du pouvoir et sans le contrôle démocratique de ceux qui contrôlent, n'est pas réalisable [10]. Le rôle conciliateur, accommodant,arbitral et médiateur de la Police, qui rendrait les mécanismes de contrôle pénal et de répression pénale superflus à long terme et qui mobiliserait des institutions communautaires autorégulatrices, est une vision. La police volontaire de la légalité socialiste, comme les patrouilles volontaires de la légalité libérale se meuvent malheureusement dans la même direction : le maintien de l'ordre public socialiste ou libéral [11].

L ordre public « en tant que paix de tous les biens légaux et non pas d'un bien précis et particulier ayant sa propre valeur séparée » ne s'identifie pas avec l'abus de répression pénale visant à l'intimidation, à l'emprise et au contrôle des contestataires de tous genres [12].

La Police de la zéro tolérance, du racisme et de l' intervention sélective, mais aussi le code particulier de valeurs et de conduite des policiers (sous-culture policière) ont été utilisés par le pouvoir pour satisfaire à des buts différents de ceux (comme la paix sociale) servis par le Corps. La Police s'est identifiée avec des partis politiques et des régimes autoritaires en s'appliquant à la filature d'adversaires politiques, à la fabrication d'éléments, etc.

L' institution policière a continuellement évolué et, étant au début gardien du système de la justice pénale, est devenue bras de fer non plus de l' État-Nation, mais de structures globalisées d' oppression et de répression qui cherchent de nouveaux «ennemis intérieurs» [13]. L'amoindrissement de l'état national entraîne l'impuissance d'exercice efficace de l'autorité d'état et de l'ordre public, tandis que l'abolition de la distinction «ennemi intérieur-extérieur» légalise l'intervention (humanitaire !) de garants internationaux armés (non démocratiquement légalisés).

Prenant prétexte l'impuissance de l'état à se porter garant de la sécurité des citoyens, le champ et le cadre de surveillance et d intervention dans la vie privée de tous les habitants de la planète s'élargit.

 

3. La Police n'est ni le constructeur moral de la fortune publique, ni le gérant de l'idéologie juridique pour le crime [14]. Certes, elle n'est pas appelée à résoudre des problèmes politiques non plus. La même chose est valable pour la Criminologie.

L'on se demande si la Criminologie fonctionne pour la loi et contre l'homme ou pour l'homme et contre la loi ; ou si elle est au milieu à la recherche d'un accord commun. La Criminologie conservative considère que la délinquance est due au contrôle défectueux, c'est pour cela qu'elle est associée avec les pratiques policières. Pourtant, plus d'encadrement policier amène plus de crime. La Loi et l'Ordre ne peuvent pas s'appliquer sur le corps social sans prendre en considération l'histoire, les traditions, la conscience collective et les droits, certainement.

C'est pour cette raison que la Criminologie ne peut jamais servir le principe de la Raison d'Etat, bien que beaucoup de criminologues servent fidèlement la répression étatique [15].

 

Yannis Panoussis
Professeur de Criminologie

 

 

Bibliographie

•  St. Alexiadis , Criminalistique, 5ed, Salonique, 2003

•  M. Brake, Ch. Hale , Public order and private lives, Routledge, 1992

•  K. Danousis – G. Karavitis , L'histoire de la police hellénique, Athènes 1977

•  Ch. Dimopoulos , La police et le policier, Sakkoulas, Athènes 2000

•  Y. Panoussis, S. Vidali , Textes pour la police, Sakkoulas, Athènes 2003

•  Z. Papaioannou , Contenu et limites du pouvoir policier, Sakkoulas, Athènes 2004

•  G. Papakonstantis , Police hellénique: Organisation, Politique et Idéologie, Sakkoulas, 2003

•  Th. Papathéodorou , Sécurité publique et politique criminelle, Nomiki Vivliothiki, Athènes 2005

•  Policing Public Order , (ed. Ch. Critcher – D. Waddington), Avebury 1996

•  Ev. Stergioulis , La police hellénique (1975-1995), Nomiki Vivliothiki, Athènes 2001

 

[1]Y. Panoussis – S. Vidali, Textes pour la police et la sécurité (en grec), Athènes 2001, p. 15 – K. Danousis – G. Karavitis, L' histoire de la police hellénique (et grec), Athènes 1997, p. 17 – L. Dimopoulos, La police et le policier (en grec), Athènes 2000, p. 13

[2]Ev. Stergioulis, La police hellénique dans les années 1975-1995 (en grec), Athènes 2001, p. 17, 29, 33 – G. Papakonstantis, Police hellénique : Organisation, Politique et Idéologie (en grec), Athènes 2003, p. 111 – St. Alexiadis, Criminalistique (en grec), 5ed, Salonique 2003, p. 122

[3]Th. Papathéodorou , Sécurité publique et politique criminelle (en grec), Athènes 2002, p. 71, 74 – E. Lambropoulou, Contrôle social du crime (en grec), Athènes 1994, p. 204 – Z. Papaioannou, Contenu et limites du pouvoir policier (en grec), Athènes 2004, p. 14 – K. Gardikas, Traité de Police (en grec), 5ed, Athènes 1964, p. 91.

[4]V. Karydis, Criminalité et contrôle social en USSR (1917-1988) (en grec ), Athènes 1991, p. 32, 166, 200 – Michael Brake and Chris Hale, Public order and Private Lives – The politics of Law and Order, Routledge, London – N.Y. 1992, p. 37-38

[5]David Waddington, Key issues and controversies, in “Policing public order: theoretical and practical issues” (ed. Ch. Critcher – D. Waddington), Avebury 1996, p. 9, 14 – Th. Papathéodorou, op. cit., p. 15, Z. Papaioannou, op. cit., p. 261, 296, 371

[6]A. I. Tachos, Le droit de l'Ordre Public (en grec), Athènes 1990, p. 50 -– J. Y. Morin, La Mondialisation, l'éthique et le Droit, in “ Mondialisation et Etat de Droit”, Bruylant 2002, p. 21

[7]Ch. Chrysanthakis, Le droit de l'Ordre Public (en grec), Revue de la Police, Mars 1996, p. 147 – A.I.Tachos, op. cit., p. 19, 22, 53, 111

[8]Ev. Stergioulis, op. cit., p. 107 – Z. Papaioannou , op. cit., p. 3

[9]Gil Bourdoux – Chr. De Valkeneer, La loi sur la fonction de police, Lorcier, Bruxelles 1993, p. 19

[10]E. Lambropoulou, op. cit., p. 205-206 – Y. Panoussis, Conseil National pour la Police et la Sécurité (en grec), in “Textes…”, op. cit., p. 27

[11]Ch. Zarafonitou, Criminologie Empirique (en grec), Athènes 1995, p. 177

[12]Y. Panoussis, L'insécurité et la mondialisation (en grec), Justice Pénale, 10/2004, p. 1157

[13]Th. Papathéodorou, op. cit., p. 239 – Michael Rowe, Urban disorder and the racialisation of the interior, in “Policing…” op. cit., p. 83 – Ilias Daskalakis, La Criminologie de la réaction sociale (en grec), Athènes 1985, p. 109

[14]Michael Lofthouse, The core mandate of policing, in “Policing…”, op. cit., p. 43-45 – M. Brake – Chr. Hale, op. cit., p. 18, 31, 94, 165

[15]Y. Panoussis, Introduction à la Criminologie (en grec), Athènes 1983, p. 10